Médecins roumains
[원문] 프랑스 시골로 간 닥터 디미트라스
Médecins roumains
Par nos envoyés spéciaux Laurent Geslin et Mehdi Chebana*
* Journalistes
Les visages sont graves dans le petit bureau du service d’oto-rhino-laryngologie (ORL) de l’hôpital Saint-Spiridon. L’une des internes vient de présenter sa démission – une de plus. « Bientôt il ne restera plus personne, soupire le docteur Gina Stegaru. Il faut pourtant que quelqu’un s’occupe des gens qui vivent ici, de nos amis, de nos familles. » Dans les couloirs, quelques personnes âgées patientent sur des bancs. Par la fenêtre, un vent d’hiver balaie la cour enneigée. « Exercer ici n’est pas seulement un métier, c’est aussi une vocation humanitaire », insiste la praticienne. Situé en plein cœur de Iasi, une grande métropole du nord-est de la Roumanie, l’hôpital Saint-Spiridon existe depuis plus de deux cent cinquante ans. Il est l’un des plus vieux établissements publics de santé du pays, et l’un des plus importants. Il compte 2 500 salariés, 500 médecins internes et 40 spécialités. Une vraie poule aux œufs d’or pour les recruteurs étrangers qui rôdent dans les couloirs. <<번역문 보기>>
M. Ioan Barliba s’agite sur sa chaise, petit sourire de façade et amabilités confuses. « Puis-je vous aider ? Qu’est ce que je peux faire pour vous ? » L’homme est le responsable des ressources humaines. « Mais êtes-vous vraiment journalistes ? Je veux dire, n’avez-vous pas un autre métier ? » Les cartes de presse et les discours rassurants ont finalement raison de ses doutes. M. Barliba se méfie des Occidentaux qui viennent parler à ses médecins : « Chaque mois, nous perdons des infirmières et des internes. Il faut arrêter l’hémorragie, sinon nous courons à la catastrophe. »
Dans le système public roumain, un médecin débutant gagne en moyenne 250 euros par mois ; un spécialiste en fin de carrière, 400 euros (le salaire moyen en Roumanie était en janvier 2011 de 1424 lei, soit environ 340 euros). A l’été 2010, ces salaires déjà peu attractifs ont chuté de 25% en raison du plan « anti-crise » lancé par le gouvernement de centre-droit. « Une aide-soignante est mieux payée en Europe de l’Ouest qu’un directeur en Roumanie », confirme Mme Camelia Bogdanici, la directrice médicale de Saint-Spiridon. Et d’ajouter, désabusée : « L’une de nos chirurgiennes vient de partir en France, à 57 ans. Là-bas, elle gagne 6 000 euros par mois. » Dans ces conditions, de nombreux services tournent au ralenti. L’hôpital aurait notamment besoin de deux fois plus de médecins anesthésistes. Deux viennent de partir en France ; deux autres ont été recrutés par des établissements privés. « Moi-même, je reçois tous les jours des courriels dans lesquels on me propose des postes à l’étranger. » Mme Bogdanici a pourtant choisi de rester. Le regard doux et volontaire, elle assume sa décision : « Je veux tenir mes engagements. Et puis, ma famille est ici. »
Depuis l’adhésion de leur pays à l’Union européenne, en janvier 2007, cinq mille praticiens roumains (sur un total de 42 000) ont fait le choix de se déraciner. Plus d’un quart d’entre eux vit en France ; les autres se sont installés en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni, en Espagne ou en Italie. « Il leur est très facile de partir, explique M. Vasile Astarastoae, président du Collège des médecins (l’équivalent roumain de l’Ordre des médecins). Ils sont souvent polyglottes, très bien formés, et la législation européenne assure la reconnaissance automatique de leurs qualifications ainsi que la liberté d’installation dans n’importe quel pays membre. » Seuls deux documents sont nécessaires aux candidats au départ. Le premier, délivré par le ministère roumain de la santé, atteste de leurs diplômes universitaires et de la pratique effective de 3 000 heures de médecine ; le second, délivré par le Collège des médecins, est un certificat de « bonne pratique » établissant notamment qu’ils n’ont pas commis d’erreur médicale. « Entre 2007 et 2010, huit mille médecins ont demandé ces documents. Et la tendance s’accentue encore aujourd’hui », indique M. Astarastoae.
Cet exode massif est d’autant plus inquiétant que le pays compte à peine deux praticiens pour mille habitants, soit deux fois moins que la moyenne européenne. Les campagnes risquent ainsi de devenir des déserts médicaux à l’heure où la nouvelle génération aspire à un mode de vie urbain. « Contrairement à beaucoup de médecins qui exerçaient déjà sous le communisme, les jeunes diplômés ne choisissent pas seulement ce métier par philanthropie ou pour l’amour du geste, explique M. Adrian Bâlea, vice-président de Sanitas, l’un des principaux syndicats de santé en Roumanie. Ils le font aussi pour l’argent. Ils s’inscrivent en fac de médecine dans l’espoir d’ouvrir un cabinet en ville ou de partir à l’étranger pour bien gagner leur vie. » Certaines spécialités sont ainsi surreprésentées tandis que d’autres souffrent d’un manque cruel de forces vives. « D’un côté, des milliers de médecins de famille fraîchement diplômés sont au chômage [alors pourquoi les campagnes se désertifient-elles ?], et de l’autre, le système ne compte que sept cents anesthésistes alors qu’il en faudrait mille cinq cents. On marche sur la tête », déplore le syndicaliste, qui réclame des mesures pour rééquilibrer la donne et inciter les jeunes à rester.
Les médecins roumains ne fuient pas seulement la médiocrité des traites qui leur sont proposées ; ils aspirent aussi à de meilleures conditions de travail. Leur quotidien, ce sont de faibles dotations de fonctionnement, des pénuries de médicaments, des heures supplémentaires non payées, une charge de travail toujours plus lourde en raison des sous-effectifs… « Ils ont peu de chances de s’épanouir dans un système aussi mal en point, estime M. Vasile Astarastoae. Surtout quand on voit le peu de reconnaissance et de respect que leur accorde la classe politique ! » La Roumanie est l’un des pays de l’Union européenne qui investissent le moins dans la santé : seulement 4% du budget annuel de l’Etat. Une grande partie des infrastructures et des équipements n’a pas été modernisée ou remplacée depuis l’effondrement de la dictature communiste, en décembre 1989. « Bien sûr, de nombreuses réformes sont encore nécessaires, admet le ministre de la santé, M. Cseke Atilla. Mais notre système a beaucoup progressé ces dernières années, justement grâce à la liberté de circulation, qui permet à nos médecins d’avoir accès à tous les congrès ainsi qu’aux découvertes les plus récentes. Après la décentralisation des établissements de santé, notre principal objectif est aujourd’hui l’informatisation du système et l’introduction de cartes vitales [cartes d’assuré électroniques ?]. »
Dans trente ans, un Roumain sur cinq aura 65 ans ou plus. L’espérance de vie, actuellement de 70 ans pour les hommes et 77 ans pour les femmes, devrait avoir légèrement progressé . Le système est pourtant loin de pouvoir faire face au défi majeur que représentent le vieillissement de la population et la demande croissante de soins qui en découle . Le régime d’assurance maladie, qui compte 6,7 millions de contributeurs pour plus de 18 millions de bénéficiaires, est d’ores et déjà au bord de l’implosion. « Théoriquement, se soigner est gratuit ici, explique M. Bâlea. Mais dans les faits, de nombreux patients paient des bakchichs au personnel de santé et entrent à l’hôpital avec leurs propres draps et médicaments. D’autres ont si peu confiance dans le système public qu’ils préfèrent s’endetter pour se soigner dans des cliniques privées ou à l’étranger. »
Dans la cour de l’hôpital Saint-Spiridon, délimitée par une dizaine de pavillons, des malades en fauteuil roulant et des vieillards s’accrochant à des pieds à perfusion tentent en vain d’éviter les flaques de boue et les rafales de neige. « Les bâtiments de l’hôpital sont vétustes, déplore M. Barliba. Nous avons besoin de 250 000 à 300 000 euros pour construire un toit qui protégera les patients lors de leurs déplacements d’un pavillon à l’autre. Mais la mairie ne nous a pas autorisés à demander une subvention européenne. » En Roumanie, les hôpitaux publics dépendent des communes, qui sont propriétaires des terrains sur lesquels ils sont construits. Chaque élection locale amène donc son lot de nouvelles nominations aux postes à responsabilité ; une tradition qui ne facilite pas les projets à long terme. « La gestion des hôpitaux, constate M. Barliba, obéit davantage à des stratégies politiques qu’à des considérations sanitaires. »
A plus de 2 500 kilomètres de Iasi, dans le seul restaurant de Selommes, un village de sept cents âmes perdu dans les champs au nord-est de Blois, M. Theodore Dimitras a déjà ses habitudes. Un verre de vin rouge, une bonne tranche de pâté dans l’assiette, ce médecin roumain se fond dans le décor. Il n’est pourtant arrivé en France qu’en août 2010. « Avec ma femme, elle aussi généraliste, nous nous sommes simplement dit : on peut essayer, raconte-t-il. Nous voulions un endroit calme, loin de l’agitation de la ville. A Iasi, nous avions deux mille patients chacun. » Un choix singulier, car, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, 80% des nouveaux arrivants se dirigent vers des hôpitaux publics, où on les conseille et les encadre davantage. Par ailleurs, d’après une circulaire publiée en janvier 2010 , la plupart d’entre eux, à l’instar de leurs collègues français, choisissent de s’installer à Paris ou dans le sud de la France. Ce problème, M. Francis Druon, maire de Selommes, le connaît bien : « Nous avions autrefois deux praticiens dans la commune, mais depuis quelques années, le seul généraliste qui restait était malade et ne travaillait plus qu’à mi-temps. Nous avons cherché partout, nous ne trouvions personne. Nous avons été obligés de prendre une décision. » En l’occurrence, celle de contacter M. Xavier de Penfentenyo, fondateur de Revitalis, un cabinet qui propose des médecins étrangers aux communes rurales touchées par la désertification.
« Depuis la création de la société, en 2007, nous avons installé quatre-vingts généralistes étrangers, dont cinquante Roumains », déclare M. de Penfentenyo. Recrutés généralement par le biais d’Internet, les candidats au départ rencontrent une première fois le directeur de Revitalis à Bucarest. Celui-ci évalue leur motivation et leur propose un village correspondant à leurs attentes. Le service est facturé 10 000 euros aux collectivités locales ; chez d’autres prestataires du même type, la note peut monter jusqu’à 40 000 euros. Des sommes importantes, mais que les maires de petites communes au bord de l’asphyxie sont prêts à débourser. « Il faut attendre cinq mois pour consulter les spécialistes de Vendôme, la ville la plus proche, et certains d’entre eux ne prennent même plus de nouveaux patients, soupire M. Serge Lepage, maire de Saint-Amand Longpré, à côté de Selommes. Nous savons ce qui se passe en Roumanie, nous ne sommes pas fiers de déshabiller Paul pour habiller Pierre, mais si nous ne voulons pas que nos villages meurent, la santé doit être notre priorité absolue. »
Grâce à l’aide de la Communauté de communes et du Conseil général du Loir-et-Cher, un cabinet médical devrait bientôt ouvrir ses portes à Selommes. Trois infirmiers et un pédicure s’y installeront. « Une fois qu’elle aura reçu l’autorisation d’exercer, ma femme pourra travailler avec moi, s’enthousiasme M. Dimitras. Et ma belle-sœur, qui est dentiste, aimerait venir à son tour. » Pour l’heure, le généraliste roumain doit encore rembourser les prêts consentis par la mairie pour son installation. Il reçoit en moyenne dix patients par jour, « mais une fois que la population sera en confiance, les visiteurs vont affluer », assure M. de Penfentenyo. Un optimisme que tempère M. Xavier Deau, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins : « Certains médecins roumains installés en libéral n’ont que cinq ou six patients par jour, et, après quelques mois, ils font leurs valises pour des régions plus attractives. » S’il admet quelques échecs, le fondateur de Revitalis reste confiant : « L’immense majorité des médecins que nous avons installés sont désormais très bien intégrés. »
Alors, importer des médecins étrangers, un remède à la désertification médicale des campagnes françaises ? Pas si sûr. Car, selon M. Deau, « le nombre de médecins n’a jamais été aussi élevé en France ». Au terme de la sixième année de médecine et du concours national classant, les élèves sont répartis dans tous les hôpitaux de France en fonction de leurs résultats, mais, après l’internat, ils partent s’installer où ils veulent. Certaines régions investissent donc de fortes sommes pour former des praticiens qui ne resteront pas. « Il faudrait que les étudiants soient obligés par décret de travailler quelques années après l’internat dans la région qui les a formés, poursuit M. Deau. Mais cette réforme a peu de chances de passer auprès des syndicats étudiants. » Ces derniers refusent que les étudiants portent à eux seuls la responsabilité de la régulation de la densité médicale. Ils demandent au contraire une augmentation du numerus clausus pour entrer en deuxième année de médecine, soulignant que plus de 85% des inscrits en première année sont aujourd’hui recalés . Pour les élèves qui échouent, tout n’est pourtant pas perdu, car des filières francophones existent en Roumanie. Depuis le début des années 2000, et surtout depuis l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne et l’uniformisation des diplômes universitaires, elles attirent de plus en plus de candidats.
Devant la faculté de médecine Gridore T. Popa de Iasi, deux jeunes filles se prennent en photo sous la neige. Leila a 18 ans ; c’est la première fois qu’elle quitte la Tunisie et le domicile familial. Elle fait partie de la seconde promotion francophone ouverte dans cette université. « Tout est nouveau pour nous ici, nous ne parlons pas roumain et nous sommes un peu effrayées. » Comme elles, cent quatorze étudiants, dont quatre-vingts Français, ont décidé cette année de tenter leur chance à Iasi. Ils n’étaient que huit quand la filière a été créée un an plus tôt. « Notre filière anglophone existait depuis dix ans et donnait de bons résultats. Nous avons donc décidé de mettre sur pied un cursus en français », explique la doyenne de l’université, Mme Doina Azoicai. Sans doute aussi pour concurrencer la faculté de médecine de Cluj, qui accueille depuis plusieurs années des centaines d’étudiants français.
Car l’affaire est juteuse. Les frais d’inscription s’élèvent à 5 000 euros par an et par étudiant étranger, alors qu’un Roumain paie moins de 1 500 euros. Chaque examen de rattrapage est également facturé 250 euros, soit dix fois plus que pour un étudiant roumain. « Nous sommes de véritables vaches à lait, s’insurgent certains Français. Nous payons même les photocopies avant les examens. » Des sommes importantes qui permettent, selon l’administration de la faculté, de couvrir les frais de formation et surtout de payer un salaire deux fois plus important aux enseignants capables de donner des cours en français. « De cette façon, nos meilleurs professeurs sont moins tentés de partir à l’étranger », justifie Mme Azoicai. Pour les étudiants français qui ont choisi de s’expatrier, qu’importe les sommes à débourser : la médecine est une vocation.
« Le soir où j’ai appris que j’avais raté le concours pour la deuxième fois, j’ai fait mes dossiers pour la Roumanie, raconte Sophia, 20 ans. Mais si j’avais pu, j’aurais triplé en France. » A Iasi, aucun concours d’entrée n’est nécessaire : les candidats sont sélectionnés sur dossier. Cette pratique représente de fait une discrimination par rapport aux étudiants en médecine français. L’Ordre des médecins a donc demandé aux autorités roumaines de proposer un examen de type universitaire à l’entrée de la première année. « La pression est moins forte ici, reconnaît Rudy, et je peux comprendre l’amertume de certains de nos camarades en France. Mais le niveau n’est pas inférieur en Roumanie : le mode d’enseignement est seulement différent. » A Iasi, les élèves sont immédiatement lancés dans le grand bain. Les gardes en chirurgie pédiatrique commencent dès la deuxième année et, sur le papier, la maîtrise du roumain est obligatoire à partir de la troisième année afin de faciliter la communication avec les patients. « Je ne pense pas que le niveau des étudiants qui sortiront des facultés roumaines sera moins bon, dit M. Deau, mais ils auront des compétences sans doute différentes de celles de leurs collègues français. » Sur les cinquante-deux spécialités proposées au niveau européen, seules dix-sept sont communes à tous les pays. En Roumanie, par exemple, il n’existe pas de diplôme de pédiatrie, mais une formation en « néo-natologie ». « Une uniformisation des diplômes est nécessaire, même si chaque pays doit bien sûr conserver ses spécificités », estime M. Deau.
A l’image des facultés de Iasi et de Cluj, qui attirent les étudiants étrangers pour s’assurer un financement pérenne, le système de santé roumain survit grâce à la multiplication de solutions alternatives. A Branesti, un village situé à seulement quinze kilomètres de Bucarest, la rénovation et la privatisation d’un dispensaire construit sous le communisme ont par exemple changé la vie d’une dizaine de milliers de patients. « Quand mes confrères et moi avons repris l’établissement, en 1990, il était dans un état pitoyable, se souvient le directeur, M. Adrian Catanescu, et il était voué à le rester encore longtemps. Nous ne pouvions pas compter sur l’Etat, alors nous nous sommes bougés. Nous avons trouvé des financements privés auprès de plusieurs villes de l’agglomération de Nantes et de la princesse Margarita, la fille de l’ancien roi Mihai. » Dans cette commune rurale où la vie est rythmée par la cloche du collège sylvicole et le va-et-vient des chiens errants, des charrettes et des tracteurs, sauver le dispensaire était une nécessité vitale. « La moitié des gens ici sont des agriculteurs à la retraite qui n’ont pas de quoi se payer un taxi ou un ticket de bus pour aller se soigner à Bucarest, dit M. Catanescu. On ne pouvait pas les abandonner. » L’établissement fonctionne sur un modèle semi-privé qui se développe de plus en plus dans les campagnes roumaines : les quatre généralistes et les deux dentistes qui y travaillent ont signé un contrat de prestataires de service avec les caisses d’assurance maladie. Leur rémunération dépend ainsi du nombre de patients et de spécialités proposées par le dispensaire. Quant aux patients, ils continuent de bénéficier de l’accès gratuit aux soins. « Nous ne sommes pas fonctionnaires et nous sommes bien mieux payés qu’eux, se réjouit le directeur. L’avantage, c’est que quand le gouvernement ampute les salaires, nous ne sommes pas concernés. Le problème, c’est que nous devons payer un loyer, l’eau, le gaz, l’électricité et le salaire des infirmières. Sur les 1 600 euros que je gagne chaque mois, je dois en sortir 600 de ma poche pour le bon fonctionnement de l’établissement. »
Les difficultés endémiques du système de santé roumain poussent les médecins qui ont choisi de rester à cultiver un esprit d’initiative et de débrouille. « Dans le public, rares sont ceux qui se contentent de leur petit salaire, confirme M. Vasile Astarastoae, dans son bureau du Collège des médecins à Bucarest. Il y a les alternatives légales, comme l’enseignement, la recherche ou le petit boulot le soir dans une clinique privée, et puis toutes les combines illégales, comme la promotion de médicaments, le travail au noir et, plus fréquemment encore, les pots-de-vin. » Selon un récent sondage réalisé par l’Association pour la mise en place de la démocratie , deux Roumains sur trois auraient en effet déjà offert à du personnel de santé des sommes allant de 50 lei (environ 12 euros) à 700 lei (environ 170 euros). « La plupart du temps, les patients donnent d’eux-mêmes, sans qu’on leur réclame quoi que ce soit, tempère-t-on au siège du syndicat Sanitas, car ils ont conscience du fossé qui existe entre les salaires misérables des médecins et le rôle essentiel de ces derniers dans la société. En quelque sorte, ils les remercient. »