Qu’est-ce qu’être militant de gauche en Italie?

[원문] 그람시의 나라에서 좌파로 산다는 것

2011-11-14     Francesca Lancini

Qu’est-ce qu’être militant de gauche en Italie ?

Par notre envoyée spéciale, Francesca Lancini*

(*) Journaliste, Milan

Des pâtes fraîches fourrées à la viande – les casoncelli – et du poulet au curry : à Brescia, le principal cercle du Parti démocrate (PD) propose un menu de « couleurs et saveurs ». Derrière le bar s’affaire une jeune Sénégalaise. Tout un symbole ici où la Ligue du Nord, connue pour ses positions xénophobes, gouverne la ville et la province au sein d’une coalition de droite depuis 2008. Attablés autour d’un expresso, plusieurs vieux militants, presque tous anciens communistes, commentent l’actualité, du « Rubygate » à la condition des ouvriers de les usines automobile Fiat. Dans ce quartier populaire comme dans le centre, depuis vingt-cinq ans, les étrangers cohabitent avec la population locale. Ils représentent 15 % des habitants de la province ; leur force de travail joue un rôle moteur dans l’industrie lourde, les services et l’élevage. Dans le nord de l’Italie, l’immigration étrangère – phénomène remontant aux années 1970 – est une question prioritaire pour le PD, seul parti de centre gauche représenté au Parlement où il est soutenu par deux autres partis considérant le clivage droite-gauche comme dépassé : l’Italie des valeurs et les Radicaux italiens. <<번역문 보기>>

Né en 2007 de l’union des progressistes de gauche et des catholiques démocrates, le PD compte, quatre ans plus tard, sept cent mille membres et plus de sept mille cercles. Dans ses statuts, il se dit réformiste, européen et de centre gauche. Mais ses propres partisans l’accusent souvent d’être nébuleux, trop conciliant, volontiers querelleur, et de se désintéresser des plus faibles. Bref, d’avoir renoncé au rêve de changer le monde. « Moi aussi j’ai été immigré, raconte M. Ugo Zecchini, ouvrier à la retraite de 68 ans. Je venais de Toscane et j’étais considéré, de façon dévalorisante, comme un méridional. C’est pour ça que je m’identifie aux extracommunautaires qui travaillent au Nord. Les discriminations imposées par la Ligue sont un problème sérieux dont la gauche actuelle n’a pas pris toute la mesure. » Dans le cadre d’une tentative de dialogue avec la Ligue du Nord, le secrétaire du PD, M. Pierluigi Bersani, s’est montré quelque peu complaisant : « Je dis que la Ligue n’est pas raciste, mais attention : en encourageant certaines pulsions, on peut produire du racisme »

A en croire M. Zecchini, vieux militant communiste aujourd’hui membre du PD et partisan d’une gauche réformiste, cet aveuglement aurait eu un effet paradoxal : si bon nombre d’ouvriers ont, dans les dernières années, voté pour la Ligue du Nord, c’est parce que la gauche a perdu peu à peu le contact avec les couches défavorisées. Le populisme qui s’exprime dans le slogan « Patrons chez nous » aurait ainsi séduit les salariés confrontés aux fins de mois difficiles. « La gauche d’antan, c’était autre chose, poursuit M. Zecchini. Au milieu des débris de l’après-guerre, elle travaillait à la cohésion sociale. Elle nous aidait à nous percevoir comme des acteurs de la renaissance du pays. Notre formation politique débutait à l’adolescence avec l’entrée à l’usine et l’inscription au syndicat, qui souvent coïncidait avec le fait de prendre sa carte au Parti. L’usine, c’était notre université. A travers les assemblées, nous prenions conscience de notre condition et de ce qui se passait à l’extérieur. Nous sentions de façon très directe que nous pouvions sortir de la misère et des inégalités. »

Mais à partir des années 1980, Brescia comme le reste de l’Italie subit d’importants changements : grandes industries décomposées en petites entreprises, syndicats de plus en plus divisés et déconnectés des partis politiques ; émietté, le mouvement ouvrier perd ce qui faisait sa force. Et, avec la mondialisation, les nouveaux travailleurs précaires restent seuls et sans voix. « Pendant un an, j’ai envoyé des lettres de candidature pour trouver un travail, sans obtenir de réponse », confie M. Tommaso Gaglia, un diplômé en littérature de 27 ans qui cherche à redonner vie à ce cercle du PD en organisant des activités culturelles (« ciné-forum », repas multiethniques, concerts, etc.). « Nous, les jeunes, nous ne savons pas ce que nous réserve l’avenir, mais nous ne devons pas sombrer dans l’individualisme, ajoute-t-il. Depuis l’époque du lycée, je m’occupe de politique parce que je suis à la recherche d’une voie qui me permette concrètement de changer les choses, comme l’a fait la génération de Zecchini. » Le temps des écoles de parti est bien loin : « Nous avons plus de chance que nos parents. Nous avons étudié et vécu notre jeunesse dans l’aisance, mais nous n’avons aucune formation politique. Le parti n’investit pas assez dans ce domaine, et les lieux de rencontre se sont faits rares. »

L’étage supérieur du cercle, qui abrite les bureaux spacieux du PD, constitue un carrefour de militants et de dirigeants. Parmi eux, M. Pietro Bisinella, 45 ans, secrétaire régional et maire d’une commune devenue symbole de la coexistence entre autochtones, Indiens et Pakistanais qui travaillent dans les exploitations agricoles ou M. Michele Orlando, 35 ans, qui administre une ville bastion de la gauche et qui, comme les jeunes cadres du PD appelés rottamatori – « qui mettent à la casse » – espère un renouvellement des instances dirigeantes. Une des militantes les plus actives, Mme Gloria Bargigia, 29 ans, espère que ce rajeunissement touchera aussi la base : « Mes parents étaient socialistes et m’ont transmis la passion de la politique, mais je me sens une étrangère. Parmi les gens de mon âge, rares sont ceux qui sont inscrits à un parti. L’action militante continue à être déléguée aux anciens », raconte-t-elle avant de reprendre sa distribution de tracts quotidienne.

Dans un café littéraire du centre-ville proche de l’université, les jeunes du petit syndicat étudiant Sinistra per (littéralement « Gauche pour ») paraissent plus confiants. Ils ont grandi après la chute du Mur de Berlin, pendant l’opération « Mains propres » – le séisme judiciaire qui a provoqué la crise des partis historiques et l’avènement de la IIe République italienne – et avec le « berlusconisme » , mais placent leurs espoirs dans une réaffirmation des valeurs fondatrices de la gauche : il faut « commencer par l’égalité des conditions de départ, explique M. Federico Micheli, étudiant en philosophie. La réforme de l’université voulue par la ministre de l’éducation Mariastella Gemini, qui a obtenu son diplôme ici à Brescia, réduit les financements publics, autrement dit l’accès aux bourses d’étude, aux chambres en résidence, aux cantines. Comment fait-on pour récompenser le mérite, fondement de la démocratie, si nous n’avons pas tous les mêmes chances ? » Le gouvernement de droite actuel fait peu de cas de la culture, estime M. Micheli, qui utilise concerts, cours de photographie, fêtes, débats, journal de l’université et Facebook pour promouvoir sa conception de la gauche. « Parfois, poursuit-il, ça me déprime de voir que la défense du bien commun n’intéresse pas les jeunes. Mais je résiste, car, comme disait Antonio Gramsci, “je hais les indifférents”. »

A Prato, principale municipalité de l’Italie centrale, la tramontane souffle depuis deux jours. Un sentiment commun de résignation se fait sentir. On y attend le passage de la tempête, comme celle qui depuis quelques années ravage cette ville de la résistance au fascisme, naguère forteresse de la gauche dans la région « rouge » de Toscane . En 2009, après soixante-trois ans de gouvernement de gauche, la municipalité est passée au centre droit, au plus fort de la crise économique qui s’est abattue sur la région textile la plus vaste d’Italie. Durant les six dernières années, dans le secteur du textile, plus de dix mille postes de travail ont disparu. Plus vieux syndicat italien, traditionnellement lié à la gauche, la Confédération générale italienne du travail et ses 5,7 millions de membres tentent de trouver des solutions, mais en se font pas d’illusion : « Dans les années 1970, quand je suis devenu délégué syndical, je pensais, naïvement peut-être, qu’avec l’activité militante, je pourrais travailler à un monde meilleur, déclare M. Manuele Marigolli, le secrétaire cinquantenaire de la Bourse du travail de la CGIL. Sans l’action collective, mes aspirations auraient été velléitaires. Mais le sentiment d’appartenance dépend de la capacité à peser dans les luttes. Avec l’internationalisation des marchés, les droits des travailleurs sont de plus en plus menacés et la politique ne joue plus aucun rôle. »

Jusqu’à la dernière décennie, Prato ne dormait jamais. Ses usines étaient ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Avec l’arrivée de la concurrence chinoise et indienne, et l’automatisation de certaines tâches de production, le nombre d’emplois a diminué et l’équipe de nuit a été supprimée dans presque toutes les entreprises. Mais l’attention des médias et du monde politique s’est concentrée sur les Chinois qui ont créé en ville ce qu’on a présenté comme un « secteur parallèle » de la confection, où les trafics illégaux et le travail au noir ont prospéré . Pour remporter les élections municipales, le centre droit a joué sur la corde de la sécurité et de la légalité. « La crise que traverse Prato ne peut être imputée aux vingt-cinq mille Chinois qui vivent ici, mais bien plutôt à ceux de République populaire !, affirme avec emphase M. Marigolli. Assez de mensonges ! A Prato, les Chinois ne s’occupent pas de textile, mais d’habillement. Ce ne sont pas des concurrents, mais ce pourrait être des clients. La solution de la crise réside dans la synergie : nous, nous produisons les tissus et, au lieu de faire faire la confection en Roumanie, nous pourrions la leur confier. » Telle est l’idée de gauche et de progrès du syndicaliste : « Construire une relation avec les Chinois, cela veut dire les régulariser et les libérer de leur condition d’esclavage. Pour faire revivre Prato, il faut un projet d’émancipation qui concerne tout le monde. » Tandis que son téléphone continue de sonner, il insiste : « Ici, la droite l’a emporté parce que la gauche a vécu trop longtemps sur ses lauriers et n’a pas su redonner foi en l’avenir. Résultat : les ouvriers ne sont pas allés voter. » Dans un pays où l’abstentionnisme ne cesse de croître depuis la fin des années 1970 (19,5% aux dernières élections législatives du 2008) – même si, au référendum des 12 et 13 juin 2011, le quorum a été atteint – la secrétaire provinciale du PD, Mme Ilaria Bugetti, 37 ans, dit avoir une idée claire de ce qui est de gauche : « L’école et la santé publique, l’accès aux services essentiels, l’intégration des immigrés. Dans les années 1990, ajoute-t-elle, nous avons connu un tremblement de terre dont nous payons encore les conséquences, avec la crise des idéologies et des partis et l’entrée en politique de Berlusconi. Lui, il a inventé un modèle social et introduit le personnalisme en politique, ce qui fait que le leader a plus d’importance que ce qui se dit. »

Assise dans un café du centre-ville, Mme Bugetti s’émeut en évoquant le souvenir d’un guide charismatique d’une autre trempe : Enrico Berlinguer, secrétaire du Parti communiste italien (PCI) de 1972 à 1984, date de sa mort. C’est actuellement l’un des dirigeants de gauche les plus regrettés, un élément de référence désormais lointain, dont on se souvient avec nostalgie : malgré son caractère réservé, il était estimé pour sa vision de l’avenir, pour sa passion de la politique et pour sa stature morale. Dans la « maison du peuple » de Coiano, cœur de l’activité militante de gauche en ville, est affiché un portrait de lui en noir et blanc. « C’est moi qui ai construit cette maison en 1975, raconte le septuagénaire Mario Bensi, pilier historique de l’activisme et de ce cercle du PCI qui compte cinq cent cinquante membres. C’est un moment difficile pour l’activité militante. Jusqu’à il y a dix ans, les “camarades” venaient ici prendre le café et se lançaient dans des discussions sans fin. Aujourd’hui, les partis ne sont plus en lien avec la population. Plus que l’idéologie, ce sont les valeurs qui se sont perdues, la solidarité surtout. C’est le chacun pour soi. Le berlusconisme est peut-être bien en chacun de nous. Le premier ministre, avec sa politique, ses télévisions, ses lois taillées sur mesure, a réussi à étouffer le sens critique. Les militants sont devenus désabusés et indifférents. “De toute manière, c’est partout pareil”, voilà ce qu’ils disent. » Ils sont nombreux à penser que la gauche a laissé la voie libre à Berlusconi, sans éliminer son conflit d’intérêts quand elle était au gouvernement.

Le berlusconisme, compris comme culte de l’apparence et du bien-être, spectacularisation de la vie et génération de supporteurs ressemblant à un public de fans de la télévision, aurait contaminé la gauche d’une autre manière encore : « Par leur népotisme, les dirigeants qui ont dans la soixantaine ont éliminé les jeunes plus valides. Voilà pourquoi on dit à présent qu’il n’y a pas de chefs de taille à faire pièce à la droite », explique M. Sergio Puggelli, un militant de gauche auteur de deux livres sur le sujet . La nuit tombe et, assis aux tables de ce cercle aménagé comme un grand chalet de montagne, des dizaines d’anciens jouent aux cartes. D’autres enchaînent les parties de billard, tandis que des jeunes du quartier regardent une partie de football à la télévision. Après le dîner, un film sera projeté sur la déportation nazie et, le lendemain, trois cents handicapés se verront proposer un repas. Malgré les difficultés, la maison du peuple reste un lieu de rencontre important, ouvert également aux mariages des communautés immigrées. Ce qui permet à la gauche d’espérer encore, dans cette ville où la Ligue du Nord a réalisé un bon score électoral et où l’extrême droite d’Azione Giovani et de Casa Pound a fait son apparition.

Quittons Prato pour Bari, dans les Pouilles, au sud de l’Italie. La gauche y a toujours été moins implantée, mais en 2005, elle est parvenue pour la première fois au pouvoir, grâce aux suffrages obtenus par M. Nicola Vendola – Nichi – qui exerce aujourd’hui son deuxième mandat de président de région. Cet homme politique, qui se dit ouvertement homosexuel et catholique, est devenu l’un des acteurs les plus populaires de la scène politique nationale. Après avoir quitté Refondation communiste, il a crée, en 2010, Gauche Ecologie et Liberté (SEL), un nouveau parti qui se propose de « contribuer à construire une nouvelle et large gauche en Italie et en Europe » et qui, en novembre de la même année, compte déjà 45 000 membres et plus de cinq cents sections locales, les « Usines ». Les principes fondamentaux de SEL fonctionnent par paire : paix et non-violence, travail et justice sociale, savoir et reconversion écologique de l’économie et de la société. Difficile de prévoir quel genre d’alliance il conclura avec le Parti démocrate dans un éventuel nouveau gouvernement, mais le fait est que se reconnaissent en lui des orphelins d’une Refondation affaiblie, de Démocrates de gauche n’ayant pas souscrit au glissement du PD vers le centre catholique, des mouvements altermondialistes et d’une gauche plus radicale.

A Bari, la capitale régionale où le militantisme en faveur de M. Vendola a pris racine, la situation est l’opposé de celle qui prévaut dans les cercles du PD. Si à Brescia on donne dans l’autocritique, ici c’est l’enthousiasme qui règne, et surtout envers le chef. Parmi les partisans les plus actifs, on trouve beaucoup de jeunes qui militent dans « l’Usine de Nichi », un petit groupe au nom du gouverneur qui, en moins de trois ans, a essaimé dans toute l’Italie et même à l’étranger. Ici, M. Vendola, qui pourrait se porter candidat au poste de premier ministre aux prochaines élections, est perçu comme un phénomène totalement nouveau. « Nous sommes nés en tant que comité électoral en faveur de Nichi, en nous inspirant d’Organizing for America de Barack Obama », explique Ed Testa, un artiste canadien de 32 ans qui s’est occupé de la conception graphique de l’Usine de Bari. « Après la réélection de Nichi au poste de gouverneur, nous nous sommes transformés en nouveau laboratoire d’activisme », ajoute un autre trentenaire, M. Roberto Covolo. A l’Usine, tous sont bénévoles, et pas nécessairement inscrits au parti. Le siège est accueillant, clair et coloré. Tout l’ameublement est constitué de matériel recyclé : armoires en carton, jerricans lumineux, bidons de lait en guise de tabourets. Une vingtaine de jeunes, pour la plupart trentenaires, passent l’essentiel de leur temps sur Internet pour maintenir les contacts avec les autres Usines. « Notre fan page compte quatre-vingt mille followers, celle de Nichi quatre cent mille. Mais il n’y a que cent inscrits à la newsletter de l’Usine de Bari » : M. Covolo reconnaît qu’il leur est difficile, à eux aussi, d’attirer de nouveaux militants, surtout sans recourir au label « Nichi », inscrit sur des T-shirts, serviettes de plage et autres gadgets. Plusieurs observateurs considèrent que le secrétaire du PD, M. Pierluigi Bersani, manque de charisme, mais accusent M. Vendola de « populisme » ou de jouer le rôle d’un « Berlusconi rouge » . A quoi les membres de l’Usine répliquent : « Nous exploitons la dimension positive de la personnalisation de la politique pour impliquer plus de monde. Aujourd’hui, il est plus facile de se reconnaître dans un individu que dans des références culturelles. Sans compter que Vendola est un brave type, ce qui en Italie n’est pas donné d’avance. » Les militants sont fascinés par son affabulation, autrement dit par cette capacité à parler de politique dans un langage chaleureux et poétique, qui se révèle à la fois ardu et baroque. Par rapport aux partisans du PD, ils se disent plus laïcs, écologistes et attachés au respect des droits des travailleurs, mais leurs activités relèvent surtout de la communication. Le slogan optimiste « Il existe une Italie meilleure » est répété comme un mantra, au point qu’on a l’impression d’être dans une agence de publicité. Ses propagandistes présentent le vendolisme comme une nouveauté dans le vide de la gauche, mais les membres de l’Usine hésitent à mettre au point des contenus, des programmes, une stratégie de développement du monde.

Pour trouver cela, il faut se déplacer au siège de SEL, plus dépouillé et moins radieux que celui de l’Usine, où Mme Annalisa Pannarale, la secrétaire régionale de 35 ans, insiste sur les efforts faits pour intégrer des femmes et des jeunes dans la vie politique d’un pays trop vieux et machiste. Il y aurait, selon elle, une priorité absolue : le renforcement des énergies renouvelables que les Pouilles exportent dans le reste du pays. La bonne gouvernance vendolienne est également associée à la confiscation des biens de la Mafia et à la croissance du tourisme. Toutefois, dans cette région parmi les plus belles d’Italie en termes de patrimoine naturel et artistique, de gros problèmes subsistent.

Le système sanitaire, actuellement soumis à une enquête du parquet de Bari, traverse une crise grave , et le plan régional qui prévoit de fermer dix-huit hôpitaux fait des mécontents. Des services d’excellence risquent de disparaître. Plusieurs médecins continuent à travailler sous contrat précaire et avec des temps d’astreinte sous-rémunérés. Les urgences sont surpeuplées et les listes d’attente interminables. Le développement de l’énergie éolienne est combattu par certains écologistes en raison de son impact environnemental. Le secteur agricole est en déclin. Les politiques en faveur de la jeunesse, que les vendoliens apprécient, n’auraient elles-mêmes guère eu d’effet sur le taux de chômage, qui s’élève à 34 % pour la tranche d’âge des 15-24 ans. Les jeunes que l’on rencontre dans la ville disent ne pas avoir grand espoir : « Oui, je connais Vendola. Même si je suis de droite, il me plaît parce que c’est un bon orateur, déclare un adolescent assis avec ses amis dans un bar du centre. Mais je ne crois pas qu’il y ait d’avenir pour moi ni ici, ni au Nord. Nous tous, nous irons vivre à l’étranger. » Non loin de là, à l’entrée du bourg du Vieux Bari, un ancien vendeur exprime sa frustration : « Dans ce marché couvert il n’entre personne. Nous, les méridionaux, nous avons l’habitude de rester dans la rue. Mais qui est-ce qui nous écoute ? » Au port, les étals de poissonnier en ciment restent vides. Les vieux pêcheurs exposent deux mètres plus loin, sur des cagettes de bois, comme cela se faisait autrefois. « Ce genre de modernité mis en œuvre on ne sait quand par les politiques est perçu comme une dénaturation », commente un passant. Vus d’ici, les militants de « Nichi » paraissent pour le moment bien lointains.