Suez, en première ligne de la révolution égyptienne

[원문] ‘혁명 제1열’ 수에즈, 살라피스트에게 투표하다

2012-01-19     François Pradal

Suez, en première ligne de la révolution égyptienne

Par notre envoyé spécial François Pradal *

* Journaliste.

« Même si je suis opposé à un Etat islamique, je préfère des Frères musulmans démocratiquement élus au maintien du régime militaire », assure M. Ghehareb Saqr, rencontré dans un café de Suez, à deux pas de l’embouchure du canal. Non loin, depuis la corniche du golfe de la mer Rouge, on voit scintiller les lumières des usines pétrochimiques. L’air déterminé, l’allure simple, ce militant communiste est responsable de la climatisation de l’entreprise de textile Misr Iran, où les ouvriers viennent d’obtenir 10 % d’augmentation de salaire au terme de trois semaines de grève. <<번역문 보기>>

Vêtu d’un costume italien, entouré de jeunes, M. Ahmed Mahmoud, tête de liste des Frères musulmans à Suez, récemment libéré après trois ans de prison, déclare, comme en écho : « Je préfère des communistes démocratiquement élus au maintien du régime militaire. L’armée doit dépendre du gouvernement, sans jouir de prérogatives particulières, comme en France. » Interrogé sur la mobilisation à Suez et sur la place Tahrir au Caire, relancée le 19 novembre 2011, le sexagénaire se démarque de la position nationale de son parti, Justice et Liberté : « Je soutiens les revendications des manifestants et dénonce les violations des droits de l’homme, même si je n’appelle pas à réoccuper la place. Il faut maintenir la pression sur le régime militaire. »

Sur les grèves, en revanche, le « Frère » nuance : « Ce n’est pas le meilleur moment, car l’économie a perdu 40 milliards de dollars. Mais les revendications des travailleurs sont légitimes. » Les militant(e)s qui l’entourent ne s’en laissent pas conter : « Ceux qui touchent des salaires de misère ne peuvent pas attendre. » Et la future Constitution ? « Elle doit intégrer tous les Egyptiens, insiste M. Mahmoud. Nous voulons organiser la coalition la plus large, chrétiens compris, afin de sauvegarder l’intérêt national. » Volonté de rassembler, de ne pas se couper d’une jeunesse volontiers révolutionnaire, ou opportunisme ? En tout cas, la rupture avec le Conseil suprême des forces armées (CSFA) et l’acceptation du jeu démocratique semblent entérinées.

La rue de l’Armée constitue l’axe principal de Suez : elle relie l’ancien quartier colonial de Port Taoufiq à la place Arbaeen, équivalent de la place Tahrir. En ce début décembre, la campagne électorale bat son plein. Les banderoles taillées dans des draps de coton pendent entre lampadaires, palmiers et poteaux électriques. Les candidats tiennent meeting sous des auvents semblables à ceux dressés après des funérailles. Salafistes et felouls affichent les photos en couleurs de leurs candidats – sauf l’unique femme, qui figure, par obligation légale, sur la liste salafiste, mais dont ces derniers ont remplacé l’image… par une fleur !

Cent neuf candidats indépendants se disputaient deux sièges, et douze partis, quatre autres sièges. Les trois partis islamistes ont finalement obtenu 78 % des voix, les quatre libéraux 14 %, quatre felouls 7 % et le nassérien, moins de 0,1 %. Les premiers pouvaient donc espérer rafler quatre ou cinq des six sièges. Chacun brandissait son symbole : les Frères, la balance ; le Parti de la lumière (Al Nour, salafiste), le fanous (la lanterne de ramadan) ; d’autres, un téléphone portable, une maison ou une bouteille d’eau. Hormis les islamistes, les partis issus de la révolution n’ont pas réussi à s’implanter, tandis que les vieilles organisations se disqualifiaient. La gauche n’est pas en lice, la distinction entre elle et la droite étant mal perçue, tant les programmes se ressemblent.

« La population s’attache aux personnes, pas aux partis », confirme Mme Nahed Marzouq. Bien qu’affiliée à l’Alliance populaire socialiste, très à gauche sur l’échiquier politique, cette rare candidate (elles sont quatre !) préfère se définir comme indépendante. La clé de l’élection ? La respectabilité. Pour convaincre une population à la fois révolutionnaire et conservatrice, ouvrière et religieuse, combattante et traditionnelle, mieux vaut être un fils du quartier et d’une famille connue. La compétition électorale oppose des individus qui se connaissent, manifestent ensemble et cherchent d’abord à mesurer leur influence sociale. Peu de femmes et de jeunes issus de la révolution se présentent. Pourtant, un vieux chauffeur de taxi confie : « Je veux voter pour des jeunes, car eux seuls nous prémunissent contre un retour à l’ancien système ! »

Deux lignes de partage dominent. La première sépare les felouls et les tenants de la révolution – même ceux qui n’entendent pas la poursuivre dans la rue. Un jeune candidat nassérien dénonce ainsi : « Les felouls et les Frères proposent la même politique. Ils sont conservateurs, partisans du capitalisme. » La seconde démarque les islamistes des autres. Si nul ne remet en cause l’article 2 de la Constitution qui érige la charia en source principale de la législation, « seuls les salafistes opposent citoyenneté et l’islam, Etat islamique et Etat civil. Le débat porte sur le principe qui doit fonder le vivre ensemble : islam ou citoyenneté ? », souligne Clément Steuer, chercheur au Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej).

Principale surprise à Suez : le score des salafistes locaux. Avec 51 % des voix, record national, ils devancent les « Frères », alors qu’ailleurs, ils plafonnent à 25 %. Implantés depuis longtemps dans la ville, ils jouissent du prestige d’un prédicateur renommé, cheikh Hafez Salama, octogénaire, leader de la résistance face aux Israéliens en 1967 et initiateur du djihad contre l’Etat sioniste dans les années 1980 . Ici, les jeunes salafistes ont pris en marche le train de la révolution : très présents dans les dernières manifestations, ils en assuraient même le service d’ordre.

Manutentionnaire au port de Sokhna, à 45 kilomètres au sud de Suez, Reda, bien que soigné et rasé de près, paraît écorché vif. Et pour cause : avant d’avoir terminé sa scolarité, il lui a fallu prendre en charge sa famille (son père vient de décéder). Il a participé à la révolution dès le 25 janvier. Un éclat de balle a manqué de peu son œil droit. La grève des dockers n’a pas abouti : « A peine avons-nous obtenu deux containers vides sur le port : l’un pour le sport, l’autre pour la prière. » Un ingénieur l’humilie en lui imposant des corvées étrangères à ses attributions ; le système de domination pyramidale demeure. Un collègue salafiste en a fait son gendre, le loge et lui ponctionne son salaire. Ses positions révolutionnaires ne l’empêchent pas de voter pour un autre cheikh salafiste, M. Mohamed Abdel Khaled : « Dans mon quartier, se justifie-t-il, tout le monde l’aime bien. » Suez est paradoxale : les salafistes triomphent dans la ville la plus révolutionnaire, sans avoir participé, à l’origine, à cette révolution sociale et anti-autoritaire.

Chimiste, secrétaire général d’une compagnie pétrolière et… prédicateur, la barbe au carré, M. Khaled conduit la liste d’Al-Nour. L’homme d’affaires, confortablement installé à l’arrière de sa voiture de luxe, tient un discours conservateur : « Je veux appliquer intégralement la charia, enseigner à tous les règles de l’islam. Politique et religion sont une seule et même chose. » Le tourisme ? « Nous le préférons religieux, scientifique ou de santé. » L’économie en faillite, le chômage massif ? « Nous devons favoriser l’émigration des travailleurs, privilégier de petits projets d’investissement dans les services – et non dans les biens de consommation – comme de plus grands en matière d’infrastructures : par exemple, un métro de Sokhna à Arbaeen et des centres commerciaux. » Avec quels financements ? Il élude. Les grèves ? « Elles résultent surtout du manque de dialogue entre partenaires, auquel la prédication permet de remédier. Le droit d’expression est acceptable, pas la destruction de l’activité. La liberté a des limites. » Et les coptes ? « Ils seront jugés en accord avec leur religion », c’est-à-dire par des tribunaux coptes.

De fait, cette communauté chrétienne, qui représente ici environ six mille personnes, vit totalement repliée sur elle-même, avec l’impression d’être abandonnée de tous : « Nous subissons chaque jour les insultes des salafistes. Mais nos églises ne sont pas attaquées, il n’y a pas de violence. Nous n’avons pas peur, nous resterons », assène, le regard sombre, le père Sérafin, de l’église de la Vierge Marie.

La campagne des salafistes avait commencé dans les mosquées, acquises à leur cause – les Frères musulmans n’y sont pas aussi bien implantés qu’eux. « Nous avons été opprimés pendant des décennies. Il nous faut donc voter pour ceux qui protègent notre religion, notre travail, notre famille et nos conditions de vie », entend-on le vendredi. L’argent, souvent venu d’Arabie saoudite, ne leur manque pas. Ils poursuivront leur propagande en toute illégalité jusqu’à la porte des bureaux de vote le 14 décembre, jour du premier tour, nourriture et promesses à l’appui. S’ils séduisent surtout les pauvres, les quartiers déshérités et les campagnes, c’est par un discours identitaire axé sur l’islam, que l’on trouve moins chez les Frères musulmans. Pourtant, selon Alaa Al-Din Arafat, chercheur au Cedej, « s’ils n’ont pas la même pratique politique, une perméabilité existe entre les deux groupes. Beaucoup de hauts responsables des Frères musulmans ont fait leurs études dans des écoles salafistes, dont ils ont partagé les prêches dans les mêmes mosquées au cours des années 1980 – d’où leur“salafisation”».

Le nouveau Parlement devra, sauf si le Conseil militaire s’y oppose, nommer une commission chargée de rédiger la Constitution, qui sera ensuite soumise à référendum. L’étendue de son pouvoir législatif, tout comme le mode de nomination du gouvernement, restent en revanche très flous. Tout dépend toujours du CSFA, qu’un nombre croissant d’Egyptiens assimilent à l’ancien régime : sous un autre masque, le même pouvoir demeure. D’autant que, à en croire beaucoup de candidats, la révolution est terminée. Plus rien ne justifierait le blocage du pays. Et si cette longue période électorale – jusqu’au 11 mars 2012, date de l’élection du Sénat – avait justement pour but de tourner la page révolutionnaire ?

Plus de la moitié des six cent mille habitants de Suez se concentrent dans le quartier le plus pauvre : Arbaeen. C’est là que la révolution a jailli, là qu’elle plonge ses racines et trouve son vivier de combattants. Routes de sable, étals de souk délabrés, maisons insalubres, inachevées ou en ruines. Les ordures s’amoncellent. Les coupures d’eau – non potable – sont fréquentes. La forte démographie accroît le montant des loyers. L’absence de services publics rend la vie très dure. Dans cette zone reléguée, le chômage touche sans doute près du tiers de la population. Les entreprises du canal jugent les gens d’ici indociles : elles leur préfèrent des travailleurs venus du Sud, du Delta ou de l’étranger, qui représentent près de 40 % de la population de Suez.

Réalisateur de films documentaires sur les villes du canal, Emad Ernest accuse : « La question de l’eau résume tous les maux dont souffrent les populations de Suez. Elle dévoile comment les amis du fils Moubarak [Gamal] expulsent les gens afin d’implanter de nouvelles industries : les habitants de quartiers périphériques sont inondés par les reflux d’eaux usées de la riche station balnéaire d’Ain Sokhna, les pêcheurs sont victimes des activités portuaires et de la pollution croissante de la mer Rouge, et les paysans des villages environnants sont confrontés à l’assèchement des canaux d’irrigation. » Le parti unique punissait ainsi ce peuple rebelle qui n’avait jamais voté pour lui.

Comme ailleurs, la corruption est omniprésente : elle permet d’obtenir un permis de conduire, un diplôme, un travail. Mais la révolte naît d’abord des persécutions policières. Ali, 20 ans, étudiant en mécanique, a connu six fois la prison en quatre ans : « Je n’ai jamais su pourquoi. J’avais trop peur pour faire de la politique. Mais les flics m’arrêtaient sur la corniche, dans une cafétéria, n’importe où ! J’avais pourtant ma carte d’identité sur moi. A mon avis, la police était payée au nombre de personnes emprisonnées. » Ou comment former des insurgés avant l’heure...

Le golfe de Suez est l’un des centres industriels les plus importants d’Egypte, avec 79 % de la production pétrolière, de la pétrochimie et des industries lourdes côtoyant des activités navales et portuaires, des entreprises de ciment et de textile qui s’étendent sur 75 kilomètres entre mer Rouge et désert. Le canal représente la troisième source de devises du pays, après le tourisme et l’argent des émigrés. Cette rente, en forte augmentation, a battu en 2011 un record : 4,5 milliards de dollars. Mais qui en profite ?

Tout au long de l’année 2011, des grèves sans précédent depuis 1946 ont secoué l’Egypte. Mais tout commence voici sept ans dans le textile, à Mahallah el-Koubra . Le mouvement du 6 avril 2008 constitue une nouvelle impulsion . Rien d’étonnant : les privatisations, la libéralisation du marché du travail, la précarisation ont entraîné une baisse brutale du pouvoir ouvrier dans un contexte d’inflation croissante .

Quand le magnat de la sidérurgie Ahmed Ezz décide, fin 2010, de licencier quatre mille personnes pour engager une main-d’œuvre asiatique meilleur marché, Suez se révolte. Cet élu du parti du président Hosni Moubarak, ami intime de sa famille, sera d’ailleurs l’un des premiers emprisonnés après sa chute. Le 8 février, la grève éclate dans le port. Elle se structure à partir de la Compagnie du canal. Le 19 février, de nouveaux syndicats, indépendants, signent une déclaration commune .

Cadre de la Compagnie et candidat indépendant aux élections, M. Saoud Omar coordonne ce mouvement inédit avec l’organisation syndicale née au Caire : « Les salaires, explique-t-il, variaient alors de 100 euros à 4 000 euros par mois et les primes de 0,13 euros à 10 000 euros » (le salaire moyen à Suez est inférieur à 100 euros). Mais les revendications portent aussi sur le droit de grève, les accidents du travail, les renationalisations, l’exigence de salaires minimum et maximum. Février, avril, juillet : « A chaque fois, l’administration promet des augmentations et de meilleures conditions de travail, mais rien n’arrive. Et les ouvriers se remobilisent. Comme lors des discours de Moubarak sur le thème : “Je vous ai compris, mais je reste !” » Débrayages, sit-in, piquets tournants : les modes d’action varient. Pas la répression…

Le gouvernement vote deux lois : celle de mars menace d’emprisonnement tout travailleur en grève ; celle de juin autorise la grève, mais… « sans cessation d’activité ». A Suez, toutefois, le mouvement est suffisamment fort pour que personne ne soit ni emprisonné, ni licencié. Fin juillet, soutenus par les révolutionnaires, les ouvriers obtiennent une restructuration de la grille des salaires, 40 % d’augmentation et de meilleures primes .

Le mouvement, il est vrai, a fait tache d’huile dans d’autres secteurs. Ses victoires, il les doit soit à l’implantation locale et nationale d’une organisation syndicale indépendante, soit à l’importance des entreprises indispensables à l’activité – stratégique – du canal. Jamais, cependant, les ouvriers n’ont tenté de bloquer ce dernier. Par peur l’armée qui le protège ? M. Wahid El-Sirgani, qui pilote les navires de Suez à Port-Saïd, souligne que canal est « comme la prunelle de nos yeux ». S’ils exigent leurs droits, les ouvriers se considèrent comme les garants de l’intérêt national.

Autre acquis de la révolution, évidemment moins quantifiable : les libertés retrouvées – d’expression et d’organisation, de mouvement, mais aussi, pour les marchands ambulants, le droit de commercer sans avoir à acquitter des passe-droits prohibitifs. Terrassée le 28 janvier, la police a disparu et nul ne semble plus craindre d’être arrêté, même si la Sécurité d’Etat veille : « Elle peut revenir », insiste le candidat libéral Talaat Khalil, au lendemain de l’arrestation de soixante-dix islamistes...

Pour autant, les problèmes demeurent : prix élevés, chômage en hausse et absence de débouchés pour les jeunes, même surdiplômés. Mohamed, 20 ans, étudiant en commerce, n’en peut plus : « La révolution est terminée. Maintenant, je voudrais un travail, une maison, pouvoir me marier et être traité avec dignité, sans devoir nettoyer un magasin pour gagner ma vie. »

Lundi 28 novembre, l’animateur de télévision Medhat Eissa, candidat du Parti de la Justice (centriste) et proche de M. Mohamed El-Baradei, l’ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), débarque en trombe sur la corniche. Il est furieux : des employés du canal ont intercepté une cargaison de gaz lacrymogène américain, le même qui aurait provoqué la mort de plusieurs manifestants place Tahrir en novembre ; ils ont été arrêtés. Ayant appris la nouvelle, des manifestations se tiennent sur le port. Eissa commente : « En février, l’armée nous disait : “Lève la tête, tu es égyptien !” Aujourd’hui, c’est : “Lève la tête que je te tire dessus !”. Nous n’avons obtenu que 10 % de ce que nous revendiquions. Cette révolution est un processus qui nous prendra cinq ans, voire dix ! Pas question d’arrêter tant que le régime reste en place. »

Au cœur de la mobilisation, la question du jugement des officiers responsables de la mort de tant de jeunes. « Aucun gradé accusé de meurtres n’a été jugé, assure le porte-parole des familles endeuillées Amin Dashour. Pis : la plupart auraient été réintégrés dans leurs fonctions. Pour la justice, ils étaient en situation de légitime défense : la révolution ne relève pas du droit. Lequel, en tout état de cause, n’est pas rétroactif… » Mais les familles ont toutes refusé les compensations proposées, et la colère gronde. Certaines pourraient se faire justice elles-mêmes si rien ne change…

« La révolution se nourrit des martyres qui remobilisent le peuple », estime un avocat proche des Frères musulmans. Le 20 juin 2011, la libération de policiers accusés d’avoir tué des manifestants à Suez n’a-t-elle pas déclenché la deuxième vague révolutionnaire ? Et, au mois de juillet, la lutte pour la reconnaissance des martyres a convergé avec la réoccupation de la place Tahrir et l’essor des luttes syndicales.

S’ils paraissent de mieux en mieux coordonnés du Caire à Suez, en passant par Alexandrie, les révolutionnaires ne sont cependant pas majoritaires. « Les révolutions ont toujours été faites par des minoritaires, rétorque M. Mohamed Mahmoud, 33 ans, membre du Mouvement du 6 avril et du Parti de la Justice. Vingt millions d’Egyptiens sont sortis dans la rue, mais soixante-dix millions sont restés chez eux. » Le CSFA ? « Le calme revenu, il s’écroulera ! Nous avons tenu contre Moubarak et gagné. Nous avons tenu contre le premier ministre et gagné. A chaque fois que nous affrontons le Conseil militaire, nous le faisons reculer. Un jour, nous le renverserons. » Après les élections, le Parlement à majorité islamiste n’a-t-il pas plus de légitimité que la rue pour parler au nom du peuple ? « Les “Frères” n’auraient pas pu se présenter sans Tahrir : leur légitimité, ils la tiennent de la révolution. Et ils sont divisés entre les jeunes activistes et l’appareil, la Confrérie et le parti. Le peuple redescendra sur la place s’il se sent trahi. » Ici, les activistes n’ont peur de rien. Leur optimisme et leur sens tactique paraissent redoutables. A Suez, la révolution continue.

François Pradal